En Europe, les immigrés ont de plus en plus de difficultés à faire venir leur famille. Même les résidents de longue durée et les citoyens naturalisés ont aujourd’hui tendance à être privés de ce droit car les politiques des pays d’accueil deviennent plus restrictives et plus sélectives, a déclaré le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dans son dernier article du Carnet des droits de l’homme publié aujourd’hui.
Les demandeurs doivent remplir des conditions excessives qui créent des obstacles insurmontables et les empêchent de vivre avec leurs proches.
Le regroupement familial peut être subordonné à l’obligation de prouver l’existence de liens avec le pays d’accueil lors de tests d’intégration difficiles. Dans plusieurs pays, le demandeur doit attester qu’il dispose d’un revenu sûr et pourra fournir un hébergement satisfaisant. De plus, seules les personnes faisant partie de la famille nucléaire biologique peuvent prétendre au regroupement – pas les autres parents proches ni les personnes à charge.
Prenons l’exemple des Pays-Bas. Pour être autorisés à rejoindre les membres de leur famille qui se trouvent dans ce pays, les migrants doivent passer un test sur la société et la langue néerlandaises dans leur pays d’origine. Cet « examen d’intégration » se déroule à l’ambassade ou au consulat des Pays-Bas, où il peut être difficile de se rendre. Les Afghans, par exemple, ne peuvent pas suivre de cours de néerlandais dans leur pays et doivent aller jusqu’à New Delhi pour trouver une ambassade des Pays-Bas.
Un durcissement préoccupant des exigences
Le nouveau gouvernement des Pays-Bas a décidé – en accord avec le Parti pour la liberté – de durcir nettement les conditions des migrations familiales « afin de limiter et réduire leur nombre ». Il a également indiqué clairement son intention d’œuvrer dans le même état d’esprit pour un réexamen de la directive de l’Union européenne sur le droit au regroupement familial.
La nouvelle politique néerlandaise semble s’inspirer en partie de mesures déjà mises en place au Danemark. Dans ce pays, l’âge minimum que doivent avoir les conjoints pour bénéficier du regroupement familial a été relevé à 24 ans. Par ailleurs, un migrant ne peut faire venir ses enfants que s’ils ont moins de 15 ans. Cette mesure est contraire aux normes internationales, qui définissent l’enfant comme une personne de moins de 18 ans.
En Suède, les personnes n’ayant pas de passeport en cours de validité ne peuvent généralement prétendre au regroupement familial. Le durcissement des règles formelles en matière d’identification empêchent de nombreux enfants somaliens de rejoindre leurs parents.
Un autre problème se pose dans plusieurs pays européens, même pour ceux qui satisfont aux conditions draconiennes : la lenteur du traitement des demandes de migration pour raison familiale. Les décisions tendent à être rendues au terme d’un long délai, même dans les cas les plus urgents, et cela ne semble pas dû au hasard.
Pour de nombreux immigrés, on le sait, la séparation familiale est une dure épreuve, voire un traumatisme qui nuit au bien-être social et psychologique. Pour les enfants, restés le plus souvent dans le pays d’origine, cette séparation prolongée est à n’en pas douter difficile à vivre – ce qui se répercute sur le demandeur dans la société d’accueil. Il est évident que de telles conditions de vie ne facilitent pas l’intégration dans le nouveau pays.
Le regroupement familial est un droit, et permet une meilleure intégration
La tendance actuelle à ériger de nouvelles barrières à l’unité familiale est contraire aux normes des droits de l’homme. Le droit au respect de la vie familiale est garanti par les conventions internationales, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne révisée, la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
La Recommandation 1686 (2004) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la mobilité humaine et le droit au regroupement familial préconise d’imposer des conditions moins rigides aux demandeurs en ce qui concerne les garanties financières, l’assurance-maladie et le logement, et notamment d’éviter toute discrimination à l’encontre des femmes migrantes et réfugiées, qui pourrait résulter de l’application de ces conditions.
Les migrants et les réfugiés résidant légalement dans un Etat devraient pouvoir faire venir leur famille dès que possible, sans avoir à se soumettre à des procédures laborieuses. Priver un individu du droit de vivre avec les siens ne fait que rendre sa vie plus pénible – et son intégration encore plus difficile.
Source: Council of Europe