L’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, est de plus en plus préoccupé par la façon dont sont traitées plusieurs familles de militaires qui ont perdu un être cher pendant que ce dernier servait son pays.
Message de l’Ombudsman
"À titre d’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, je suis de plus en plus préoccupé par la façon dont sont traitées plusieurs familles de militaires qui ont perdu un être cher pendant que ce dernier servait son pays.
Nous avons constaté qu’au lieu d’être traitées avec respect et compassion, certaines familles sont forcées de se battre pour leur être cher – être cher qui est mort au service de son pays.
Depuis la publication de notre rapport spécial de 2005, intitulé Quand tombe un soldat, la façon dont les Forces canadiennes traitent les familles après le décès d’un proche militaire est une priorité de notre Bureau.
L’an dernier, notre enquête de suivi nous a permis de conclure que les familles des militaires n’obtiennent toujours pas le soutien et les renseignements nécessaires à la suite du décès d’un proche lors de son service militaire.
Par exemple, nous nous sommes rendu compte que les Forces canadiennes refusent toujours d’accorder aux membres des familles un siège permanent au sein des commissions d’enquête portant sur la mort ou sur les blessures graves d’un être cher. J’ai été à même de constater à quel point la participation des familles peut aider celles-ci à comprendre et à accepter la mort d’un être cher ou les blessures que ce dernier a subies.
De plus, nous avons constaté que les Forces canadiennes n’ont pas encore mis en œuvre une politique nationale sur le soutien aux familles des membres des Forces canadiennes décédés.
Quand j’ai transmis ces conclusions au ministre de la Défense nationale, je lui ai indiqué que notre Bureau continue de recevoir des plaintes de membres de familles des militaires qui n’obtiennent pas, en temps opportun, de renseignements sur la mort de leur être cher ou dont la demande de renseignements reste sans réponse.
En décembre 2009, j’ai reçu une réponse insatisfaisante du Ministre, ce qui me fait croire que les Forces canadiennes ne prennent pas au sérieux ces problèmes aux dimensions très humaines qui sont extrêmement importants. Dans la lettre qui devait répondre à nos préoccupations, le Ministre a tout simplement souligné les changements apportés par les Forces canadiennes et il a ignoré les problèmes – et, je dirais même, très sérieux problèmes – qui restent entier.
J’ai écrit encore une fois au Ministre en avril 2010 et je lui ai donné des détails sur les expériences troublantes vécues par six familles de militaires à la suite du décès de leur être cher, et ce, dans le but de lui présenter une image plus concrète du problème.
Cette lettre comprenait le cas tragique soulevé par Mme Fynes il y a quelques semaines. La famille Fynes attend depuis deux ans et demi des réponses sur les préoccupations qui persistent à la suite de la mort de leur fils.
Ma lettre incluait aussi le cas d’une mère qui se bat toujours pour avoir accès à l’information qui porte sur la mort de son fils décédé en 2003.
Ma lettre mentionnait le cas d’une veuve qui, depuis un an et demi, souhaite avoir accès au rapport de l’enquête sommaire sur la mort de son mari. Ce rapport a été terminé en juin 2009.
Ma lettre indiquait le cas de M. Ron Grozelle qui estime avoir été traité comme un ennemi par les Forces canadiennes depuis la disparition et la mort de son fils, l’Élève-officier Joe Grozelle, à l’automne de 2003.
Ma lettre incluait également le cas d’une veuve qui, depuis plus de quatre ans, essaie d’obtenir une copie du rapport de la commission d’enquête sur la mort de son mari, membre des Forces canadiennes.
La communication de ces cas troublants visait à montrer au Ministre que les problèmes que vivaient des familles en 2005 touchent encore des familles en 2010. Je voulais donc que le Ministre et les Forces canadiennes prennent enfin des mesures pour régler les problèmes que notre Bureau a soulevés il y a de nombreux mois et de nombreuses années.
Les familles ne devraient pas être contraintes de venir à Ottawa pour plaider leur dossier sur la place publique avant que l’organisation ne les écoute et ne donne suite à leurs préoccupations.
En août 2010, j’ai reçu une autre réponse du Ministre. Malheureusement, cette réponse a offert très peu de nouveaux renseignements, et les Forces canadiennes n’ont pris aucune mesure concrète pour mener à bien des changements nécessaires, notamment fournir aux familles endeuillées des séances d’information, des rapports et des réponses relativement à la perte de leur être cher.
C’est la quatrième fois que j’attire l’attention du Ministre sur ces problèmes aux dimensions humaines extrêmement troublantes. Peu de progrès ont été accomplis – s’il y a eu des progrès – pour aider ces familles qui souffrent.
C’est encore plus décevant quand on prend en considération que les changements nécessaires pour traiter les familles de militaires avec dignité et compassion ne coûteraient rien aux Forces canadiennes.
Je trouve inconcevable que les Forces canadiennes continuent de refuser de prendre en compte les recommandations importantes formulées pour aider les familles des militaires après le décès d’un être cher qui servait dans les Forces canadiennes.
Les familles qui perdent un être cher méritent plus que des mots d’encouragement ou une réponse bureaucratique qui attirent l’attention sur les engagements pris en vue d’améliorer les soins et les services. Elles méritent des actions concrètes.
En outre, comme j’en ai informé le Ministre, je vais continuer à soulever ces questions importantes jusqu’à ce que les Forces canadiennes prennent finalement en compte leurs préoccupations avec équité et compassion."
Pierre Daigle
Ombudsman