Italie | Le Médiateur de la Province de Pistoia publique un article sur la défense civique en Italie : histoire et perspectives

Si la tradition européenne fait remonter la figure du Défenseur civique à l’Ombudsman suédois, on peut quand même trouver une forme embryonnaire de cette institution dans le droit romain. Le droit de Justinien connut en effet, dans le cadre d’un rapport assez confus entre juridiction et administration publique, la figure du Defensor plebis ou civitatis, un magistrat des causes mineures qui se développa à partir de la fonction de garant des intérêts du petit peuple contre les potentiores.

A l’époque moderne, c’est par contre la Suède, comme nous l’avons dit, qui a reconnu officiellement dans la Constitution de 1809, à l’article 96, la figure de l’Ombudsman. Durant la phase du lent passage de l’absolutisme monarchique vers une forme de monarchie constitutionnelle, au Justitiekansler fut alors adjoint un commissaire parlementaire, choisi parmi des personnes aux compétences techniques, et surtout impartiales, pour contrôler le respect des lois de la part des fonctionnaires publics et même des juges. L’expérience suédoise naît donc du besoin de garantir l’équilibre entre les pouvoirs de l’Etat et seulement dans un second temps, elle se spécialise dans la tutelle des droits des privés. Le fait que ses interventions spécifiques puissent être actionnées soit à la demande d’une des parties, soit d’office, de même que la tentative de le rendre indépendant également à l’égard du Parlement, détermineront la fortune de l’Ombudsman même en dehors du territoire nord européen.

La connaissance limitée de cet organe eut pour conséquence que son application au niveau régional en Toscane fut faiblement perçue, alors que celle-ci fut plutôt consacrée à un combat d’arrière- garde des citoyens pour résoudre les sempiternels problèmes de mauvaise administration dans les institutions les plus diverses. Après une dizaine d’années d’expériences, la Région Toscane approuva la Loi Régionale N° 36/1983, qui constitua la seconde étape, dans le cadre du même statut, d’une réflexion globale sur l’évolution régionale (mais aussi internationale) de la figure du Défenseur civique.

Une particularité de cette loi fut qu’elle introduisit parmi les matières relevant de sa compétence la défense des droits du patient.

L’approbation de la Loi Régionale numéro 4 sur “La Nouvelle réglementation du Défenseur civique” date du 12 janvier 1994 et parut au Journal Officiel de la Région Toscane du 13 janvier 1994 N°4 bis. La loi décrit les situations subjectives d’intervention non juridictionnelle du Défenseur civique, ce qui englobe “les droits subjectifs, les intérêts légitimes et les intérêts  collectifs ou généraux des citadins et des résidents et des bénéficiaires de services, individuels ou associés”.

Les avantages d'une comparaison conçue dans un espace non plus strictement italien, mais élargi à une participation active aux discussions au niveau européen, qui allaient bientôt aboutir à la création du Médiateur européen, sont évidents. L’essentiel de cette fonction se concentre donc sur les possibilités d’enquête et d’accès aux actes, plus que les pouvoirs de contrôles formels.

S’il est vrai que quelques organes administratifs non régionaux commencèrent à expérimenter l’institution du Défenseur civique antérieurement aux années quatre-vingt-dix, il faut attendre le projet de loi du Ministre Gava, du 28 Juin 1998, pour commencer à discuter réellement de la figure de l’Ombudsman sur le plan local. Vu la nécessité d’établir une nouvelle norme de principe pour les autorités locales, en application de l’article 128 et la disposition transitoire IX de la Constitution, on arriva assez rapidement, dans un délai de deux ans, à l’approbation de la loi du 8 juin 1990 N°142, à la suite cependant d’un difficile parcours parlementaire de plusieurs projets généraux et particuliers.

Si le besoin de dépasser le Texte unique de 1934 se faisait particulièrement sentir, sur la lancée du renouvellememt qui aboutira la même  année à l’approbation de la loi 241 et du Décret législatif 29/1993 qui en découla, la discussion sur le profil du Défenseur civique ne passionna pas particuliérement les esprits. L’introduction, à l’article 8 du texte de loi, d’une timide possibilité d’élaborer un statut, offrit probablement l’occasion de ne pas approfondir le sujet, même s’il faisait déja l’objet d’une expérimentation depuis une quinzaine d’années au niveau régional. Un article très succinct renvoyait au niveau statuaire et réglementaire les détails d’application, en attribuant, essentiellement à l’institution, la fonction de “garant de l’impartialité et du bon fonctionnement de l’administration publique”.

On prit rapidement conscience du fait qu’il faudrait se référer non tant aux discussions doctrinales internes qu’aux expériences nationales européennes déjà bien consolidées à l’époque.

L’article 8 de la loi 142 (actuellement art.11 du Texte Unique sur les Organismes Locaux) qui se prononce clairement sur le choix d’un Défenseur civique qui agit à la demande d’une des parties, mais “aussi de sa propre initiative” (comme nous l’avons déjà vu à propos du modèle suédois du XIX ème siècle), a eu pour conséquence que les statuts et règlements locaux ne peuvent en limiter l’application aux seules plaintes des citoyens. Il s’agit donc d’un garant universel de la qualité administrative, au delà même de la défense des droits et des intérêts individuels: ce qui met immédiatement en évidence les potentialités de cette figure, qualifiée parfois dans la recherche d’une définition spécifique de l’Ombudsman italien, de “magistrat de persuasion” ou de “promoteur d’équité”.

La Région Toscane, même en l’absence d’un Ombudsman national, grâce à la Loi N°4/1994 susmentionnée, et surtout grâce au nouveau Statut régional qui confère au Défenseur toscan, ne serait–ce que de jure condendo, le devoir de promouvoir “l’institution d’un réseau de défense civique locale”, a investi beaucoup d’énergie dans la coordination territoriale et dans un parcours de réflexion sur le rôle de l’organe de tutelle et de promotion des droits du citoyen. La conférence des Défenseurs civiques a approuvé, en effet, le 27 septembre 2004, sur le plan italien- et tout en étant consciente du fait qu’il ne s’agissait que d’une recommandation- la Charte de la Défense civique en Toscane. C’est surtout l’indépendance, objective et subjective, qui qualifie le Défenseur civique et permet de le distinguer de l’administration où il travaille.

Dans la Charte toscane, les modalités de nomination de l’Ombudsman, quant au quorum, aux qualités et à la procédure de consultation des forces sociales, sont prévues de telle manière « qu’elles assurent au Défenseur civique le rôle reconnu et influent de sujet authentiquement super partes ».

En Italie, la jurisprudence a récemment commencé à s’occuper de la procédure de sélection, en posant d’intéressantes questions en ce qui concerne le choix correct du candidat, qui ne peut dépendre de simples relations de confiance de la part de la politique locale.

A propos d’indépendance, il s’agit d’être attentif aux ressources mises à disposition du Défenseur civique, comme le budget et l’infrastructure administrative. Dans ce secteur, après avoir mené une enquête sur tout le territoire qui a mis en évidence une situation “excessivement déséquilibrée”, il a été suggéré dans la Charte que l’Ombudsman perçoive une indemnité égale aux 70% de l’assesseur, qu’il ait droit au remboursement des dépenses liées à ses activités et qu’il dispose d’un bureau autonome avec les dotations en moyens techniques et humains correspondantes.

La Charte poursuit en déclarant que, bien qu’on ne puisse faire référence à une norme nationale explicite, l’intervention de l’Ombudsman local est “de nature collaborative et de médiation visant à favoriser la recherche de solutions, la correction de mauvaises pratiques de l’action administrative et la diffusion de bonnes pratiques, l’assistance des sujets les plus faibles dans leurs rapports avec l’administration publique (..)”.

Ce passage constitue assurément le point de contact majeur avec les dispositions européennes et donc l’initiative la plus courageuse pour se détacher, dans la pratique italienne, de l’équation Défenseur civique = organe de contrôle bureaucratique, qui ne correspond pas à la meilleure des doctrines. 

Dans la logique de contenir les dépenses publiques, la Loi de finances pour l’année 2010 (Loi 23.12.2009 N° 191), article 2, alinéa 186) a supprimé l'Ombudsman dans les municipalités, ainsi que d'autres bureaux et fonctions (directeur général, consortiums de fonctions/services publics ...), en le remplaçant par un Défenseur civique territorial / provincial, dont les fonctions sont déléguées par une convention spéciale. Mais au niveau territorial, dans le processus entamé en 2014 de réforme des Provinces (tendant à leur suppression, mais non approuvé par le référendum du 4 décembre 2016), de nombreuses provinces n'ont pas renommé leurs Défenseurs civiques.

À ce jour, en Italie, la Défense civique-médiation administrative existe donc partiellement au niveau régional et territorial, et le Médiateur national n'a jamais été créé.

Dans une période historique particulièrement difficile pour l'Italie, où la crise économique est indubitablement liée à une crise institutionnelle, un système de médiation des conflits dans l'administration publique est encore plus urgent. Un modèle national-territorial où l'Ombudsman est non seulement rendu à la bonne volonté des administrations publiques, mais aussi capable de donner des réponses et une assistance, avec indépendance et compétence, à tous les citoyens.      

 

Source: Association des Médiateurs des Collectivités Territoriales (AMCT)                

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