Le Défenseur des droits conduit des activités d’études et de recherche afin de nourrir la réflexion et le débat public dans ses domaines de compétence.
Cette publication constitue une synthèse de la recherche «Trajectoires et socialisations des jeunes aidantes» (TrajAid) menée entre septembre 2020 et janvier 2021, avec le soutien du Défenseur des droits et de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) par Céline JUNG LORIENTE et David MAHUT, sociologues, chercheurs au Cessa (Collectif en sciences sociales appliquées).
Les opinions mentionnées dans cette publication n’engagent que ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position du Défenseur des droits.
Le 23 octobre 2019, le gouvernement annonçait une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants, définis comme les «personnes qui viennent en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap.» Cette stratégie est articulée autour de 6 priorités et notamment celle d’épauler les «jeunes aidants» (priorité 6).
Dans un contexte de développement de la recherche sur les proches aidants, la spécificité de l’aidance portée par des mineurs et jeunes majeurs reste un point aveugle.
L’objectif de cette recherche est de mieux connaitre les expériences des jeunes aidantes, d’en étudier les répercussions sur leurs trajectoires et leurs socialisations et d’observer leurs évolutions au passage à l’âge adulte. Afin d’éviter une vision adulto-centrée de la question, l’enquête se focalise sur l’expérience des jeunes – des filles à une exception près – à partir de leur récit et du sens qu’elles lui confèrent. À partir d’entretiens avec 22 jeunes âgées de 17 à 26 ans, l’approche qualitative ouvre une perspective rétrospective et prospective.
D’une part, la jeune aidance est pluridimensionnelle (physique, relationnelle, comportementale, domestique et morale). Elle est aussi partagée au sein de la cellule familiale mais reste majoritairement une affaire de femmes. Le voile de naturalité dont elle est recouverte se déchire avec la fréquentation des pairs: les jeunes aidantes ne sont pas tout à fait des jeunes comme les autres. Elles doivent jongler entre temps familial, scolaire, amical et temps de l’aidance tout en portant une charge mentale singulière.
D’autre part, leur sentiment d’une maturité précoce et d’un sens des responsabilités infléchit leurs choix en matière d’orientation à la fin du lycée et colore leurs aspirations. Cela impacte aussi les étapes de leur transition à l’âge adulte, l’autonomie résidentielle et la conjugalité en particulier. Ce sens des responsabilités se déploie aussi dans la sphère publique. Les jeunes aidantes mettent en mouvement leur «concernement» par des engagements – entendus comme réponses vers les autres –, sous la forme politique, militante et/ou professionnelle.
L’émergence d’une catégorie d’action publique «jeunes aidants» s’effectue comme un calque des aidants adultes alors que les contours de la jeune aidance et ses effets apparaissent spécifiques. Les besoins que ces situations engendrent sont encore largement à définir pour l’action publique. Les engagements, dont les jeunes aidantes font preuve, sont une indication de leur volonté d’y contribuer.
Source: Défenseur des Droits, France